Le « management par la baffe » a-t-il sa place en entreprise ?

Un article de Frédéric Salomé

Qu’est ce qui t’a frappé lorsque tu as regardé les derniers Jeux olympiques de Tokyo?

Ce qui m’a frappé… au sens premier du terme, c’est l’image de cet entraîneur allemand, Claudiu Pusa, giflant la judoka qu’il entraînait pour développer sa motivation avant qu’elle ne monte sur le tatami !

Je me souviens bien de cette image. Qu’est ce qui t’a marqué à ce sujet ?
Par projection avec le monde de l’entreprise, l’opposition flagrante avec la tendance du moment qui est à promouvoir la bienveillance comme une vertu cardinale et permanente. On parle de soft power, on s’attache et il faut s’en réjouir   à nouer des relations respectueuses entre managers et collaborateurs. Or on avait là une attitude à contre-courant, allant même jusqu’à la violence physique.
Cela a suscité un buzz immédiat, des polémiques, des réactions virulentes et même une sanction pour l’entraîneur en question. Je n’ai pas d’avis technique et sportif sur le sujet mais ce qui m’a interpellé comme coach, c’est que l’entraineur avait l’assentiment de la sportive qui avait souhaité cette pratique inhabituelle pour développer son agressivité. Si je transpose ça avec le monde de l’entreprise, on est là sur un style managérial directif, qui est même devenu très autoritaire.
Ça me rappelle un échange que j’avais eu avec un ancien officier de l’armée de terre il y a de nombreuses années, qui me parlait de management MDTG : le management par la « Main Dans Ta Gueule ».

Il disait ça avec un sourire amusé en voulant dire que dans certaines situations et avec certains profils, une forme d’autoritarisme viril, là encore à contre-courant de pensée majoritaire de la société actuelle, pouvait trouver sa place. Je sens bien en l’évoquant que le sujet est délicat, mais en tant que coach il m’intéresse.

Cela nous amène à nous poser cette question : le fait qu’un managé demande quelque chose à son manager donne-t-il le droit à ce dernier d’accéder à sa demande ?

Je reviens sur le style managérial directif pour te répondre. Ce style est adapté en situation d’urgence et avec des collaborateurs peu autonomes, c’est-à-dire peu formés ou peu motivés. Pour autant peut-il dériver vers un comportement violent, à fortiori si c’est avec l’assentiment, voire même à la demande du collaborateur ?
Le fait qu’on s’autorise ce débat ouvre, selon moi, le champ de la réflexion, plutôt que de tout de suite condamner par réflexe ou par principe. Comme piste de réponse, modeste, j’aime bien l’élargissement du sens du mot « écologique ». Le manager peut-il accéder à une demande qui ne soit pas « écologique », c’est-à-dire qui ne soit pas saine pour son collaborateur ?
Aborder cette question sous cet angle donne une bonne clé de discernement face à un collaborateur qui réclamerait, comme cette judoka, des tartes motivantes ! Motiver son collaborateur, y compris en développant son agressivité (commerciale par exemple), c’est du ressort du manager. Lui coller des claques, mêmes consenties, je doute que l’on puisse prouver que cela soit sain pour lui… Mais le débat est ouvert !